Archives de Tag: seisme

La reconstruction piétine en Haïti

Patrick Coulombel, président des architectes de l'Urgence  craint  une sur-catastrophe en Haïti

Les haîtiens ne vivent pas dans le provisoire mais dans le précaire

La reconstruction piétine en Haïti

« Il faut agir avant qu’une sur-catastrophe se produise »
Affirme Patrick Coulombel, Président de la Fondation des Architectes de l’Urgence

Le 12 juillet prochain, 6 mois se seront écoulés depuis le terrible séisme d’Haïti. Si la réaction internationale immédiate, sous le coup de l’émotion,   a été à la mesure de la catastrophe. Il était prévisible que les interventions à long terme, sur les équipements lourds, seraient difficiles à mettre en œuvre. Et pourtant, s’il est important d’apporter aux victimes des secours immédiats, soins et nourriture, il est essentiel, pour que la vie reprenne vraiment que les hôpitaux, les écoles, les bâtiments administratifs et des toits pour tous soient reconstruits rapidement et dans des normes qui permettent d’éviter une nouvelle catastrophe.   

La fondation des Architectes de l’Urgence est intervenue en Haïti immédiatement après la catastrophe pour prendre des décisions  essentielles et à forte responsabilité : quels bâtiments peuvent être utilisés ou non ? Quelles mesures prendre dans l’urgence pour réoccuper ce qui peut l’être ?   

Puis est venu le temps de la reconstruction. Les Architectes de l’Urgence n’ont pas quitté Haïti depuis le 12 janvier. Les demandes qui leur sont adressées sont nombreuses et pressantes mais leurs possibilités d’action sont hélas limitées. Pour leur président, Patrick Coulombel, au contact de la réalité, la situation est pire que prévu :   

  « Stand by ! On attend les fonds et les autorisations administratives.
La lenteur administrative a repris  le pouvoir. La réglementation est toujours en cours d’élaboration, les bailleurs ne veulent pas s’engager financièrement, c’est l’attentisme le plus total !   

Même la construction d’habitats temporaires n’a pas vraiment démarré alors que les besoins sont immenses.  Il  faudrait pouvoir  importer a minima en Haiti, mais le dédouanement des containers prend des semaines, avec  une perte d’énergie et de temps énormes au détriment des populations !    

 Il est inacceptable que nous devions  attendre ainsi  le drame humain pour pouvoir agir.   

Dans  l’état actuel des camps de déplacés, à Port au Prince notamment,  si devait survenir  un  cyclone type Mitch, qui  en 1998 a fait des destructions majeures, on pourrait s’attendre au pire. Les camps de toile  seraient détruits et les fortes précipitations ravineraient des quartiers rendus vulnérables par les glissements de terrain occasionnés par le séisme de janvier.   

Dans ce cadre, quelle est l’action des architectes de l’Urgence ?   

En attendant des fonds de construction,  nous démarrons avec peine des programmes d’abris et de renforcement de maison   dans la région de Gressier. Nous nous occupons également de  « programmes de relogements dans les secteurs informels» (bidonvilles !) de Port au Prince.    

Nous avons aussi monté des programmes d’écoles et de centres de santé dans l’attente de la  réglementation technique et de politique en matière de santé qui nous permettra de démarrer  …
 
Avec quels moyens travaillez-vous ?
Peu de moyens, 600 000 euros collectés, jusqu’à ce jours, ce qui est très peu ! Nos  programmes sont en en attente de fonds ou de contrats de la part des bailleurs internationaux.   

Quels sont vos projets et qui peut les financer ?
Essentiellement des projets de construction ou de renforcement de bâtiments qui pourraient être financés par des fonds de la générosité publics, de bailleurs internationaux et privés.
La région Île de France, la ville d’Amiens, l’Ordre des architectes, la société SOMFY partenaire de longue date ainsi que Imerys TC, le Crédit Agricole sont les principaux financeurs avec des agences d’architecture et des donateurs privés.
    

La fondation de France qui a collecté  environ 27 millions d’euros vous finance-t-elle des projets ?
 Non, elle refuse de les financer. Nos programmes n’intéressent pas la FDF   

Pourquoi ?   

Sa réponse sur les abris temporaires, que nous jugeons indispensables hélas, est qu’elle refuse de financer   du transitoire…   

Elle nous  refuse un  projet de  mise en sécurité d’un centre de santé psychiatrique avec réutilisation maximale de ce qui n’a pas été détruit, en affirmant qu’il faut intégrer notre réflexion dans un plan d’ensemble. Nous pensons, nous, que ce que nous proposons est réaliste, rapidement efficace, et compatible avec une évolution à long terme, quand la réflexion sur le système de santé haïtien sera aboutie…  En attendant, des malades croupissent dans des ruines, attachés par des chaînes.   

Sur nos projets d’écoles, pas de réponse
 
Que réalise la FDF avec  les donations obtenues ?
Aucune idée.   

 Les haïtiens  s’abritent dons actuellement toujours dans le provisoire ?
Plutôt même dans le précaire (un abri sous bâche plastique),  et du précaire qui va durer ; Nous sommes  loin de démarrer de la reconstruction pérenne.
    

 Où en sont les abris provisoires des Architectes de l’Urgence ?   

300 abris  sont prêts à être installés, la fabrication ayant été faite sur place. Nous butons actuellement sur les moyens financiers pour construire les murs de soubassement. D’autre part, nous avons   un container bloqué en douanes depuis un mois avec du matériel permettant d’en faire  250 de plus.     

Est-ce que d’autres organisations comparables aux Architectes de l’urgence ont pu mener à bien des réalisations?    

De grands organismes  parviennent  péniblement à monter des programmes, mais avec des difficultés identiques aux nôtres. En fait,  Il n’existe pas  vraiment d’organisation comme la fondation des Architectes de l’Urgence, composée d’architectes et d’ingénieurs spécialisés dans l’action consécutive  aux  catastrophes humaines, naturelles et technologiques, c’est la raison pour laquelle nous avons créé des structures en Australie, au Canada et en Suisse.
Est-ce que les difficultés administratives  expliquant cette lenteur sont imputables aux autorités haïtiennes ?
On ne peut reprocher aux haïtiens d’être lents, leur pays a été détruit, l’appareil de gouvernance est par terre, nous sommes là pour les aider,  notamment les agences internationales onusiennes et européennes. Si l’on veut expliquer cette lenteur c’est   plutôt par  la complexité décisionnelle de ces administrations qui  toutes ont un avis et où personne ne décide vraiment.
 
L’administration internationale pourrait être …améliorée. Où sont les freins ?
 Oui, simplement en responsabilisant d’avantage et évitant les rotations permanent des staffs de terrain.
La démultiplication des délégations de responsabilité, cumulé avec les difficultés d’ego et de nationalités font qu’un engagement décidé sur le terrain avec des fonds bloqués va mettre des mois à être signé… lLes cols blancs, distants du problème ont ce  pouvoir de tout geler….   

 
Finalement, dans l’urgence, ne faut-il pas privilégier les initiatives quelque peu empiriques, quitte à travailler à côté d’un plan d’ensemble, idéal  peut-être, mais lent et à l’issue incertaine ?
C’est délicat, cela dépend vraiment des individus ; par contre, la bonne volonté et la technicité est plus efficace que la technocratie la plus aboutie… plus on travaille avec empirisme et en proximité avec la population et plus l’approche est pertinente à mon sens ; dans ce cadre en effet il est plus que préférable d’opérer ponctuellement sur un domaine que de planifier des usines à gaz  sur le papier qui finiront à la poubelle par manque de réalisme de terrain !   

Faut-il lever le pied sur les plans d’action trop ambitieux et …agir?
L’important est surtout, à mon sens, de faire des écoles pour la scolarisation des enfants ; des centres de santé pour soigner les populations et aider au relogement des populations avant qu’une sur-catastrophe se produise. Tout cela ne mérite vraiment pas réflexion particulière, si ce n’est que pour cela il faut des moyens…les haïtiens ont déjà réfléchi et projeté un plan de développement urbain pour PAP, c’est agir dans le bon sens que de les aider dans ce projet plutôt que de tout réinventer comme s’il n’existait rien !   

Quel est le plan d’action immédiat pour les Architectes de l’Urgence en Haïti?
Aider les populations au relogement à la fois dans des quartiers de PAP et sur Gressier… Les fonds tardant à venir, alors qu’ils sont promis, les pénalisent fortement. On peut dire que   si les problèmes alimentaires sont plus ou moins réglés, les problèmes de logements et de construction restent entiers. Peu de programme ont démarré, juste quelques initiatives individuelles !